L'affaire du Tonkin (1882-1896) L'expédition du Tonkin est une suite d'opérations militaires françaises opérées sous la Troisième République , afin de poursuivre l'expansion coloniale en Asie du Sud-Est et de mettre un terme aux attaques chinoises ; elle constitue un élément du conflit avec la Chine.
À la naissance de la Troisième République, la France possède déjà en Indochine, par le traité de 1862 avec l’empereur Tu Duc, trois provinces du sud de l'actuel Viêt-Nam qui forment la Cochinchine française, et bénéficie également de l’ouverture au commerce français de trois ports en Annam (actuel Viêt Nam). Les aspirations de la république dans la région sont poussées par les marchands qui cherchent des débouchés en Extrême-Orient, et de ceux qui rêvent de concurrencer l'Empire britannique, présent aux Indes, grâce au Mékong qui ouvrirait le Laos, la Birmanie, la Chine au commerce français. Les aspirations françaises sur le Mékong, déçues de l’exploration du fleuve par l'expédition géographique de Francis Garnier et d'Ernest Doudart de Lagrée en 1866-1868, se reportent sur le Fleuve Rouge au Tonkin, qui ouvre un débouché commercial sur la Chine.
La Guerre du Tonkin (Image d'Epinal,1884)
En juillet 1881, le gouvernement de Jules Ferry obtient des crédits pour lancer une expédition au Tonkin. La raison officielle en est la lutte contre les Pavillons noirs, bandes armées chinoises installées dans les régions montagneuses. Le commandant Rivière, chef de l'expédition commanditée par le gouverneur de Cochinchine Le Myre de Vilers, s'empare de Hanoï le 25 avril 1882. Paris alors valide l'avancée du corps expéditionnaire en votant des crédits supplémentaires et en renforçant les effectifs. Les succès militaires et la crise dynastique qui suit la mort de l'empereur d'Annam, Tu Duc, affaiblissent la Cour de Hué qui signe le 25 août 1883 avec Jules Harmand, commissaire général de la République au Tonkin, le traité instituant le protectorat sur l'Annam-Tonkin. L'affaire du Tonkin pensée comme une opération limitée s'est transformée en guerre de conquête, vite doublée d'un conflit avec la Chine. Désormais les troupes françaises doivent lutter contre les forces vietnamiennes aidées par les mercenaires et les troupes officielles chinoises.
En 1883, réagissant aux hostilités entretenues par les Chinois et leurs auxiliaires les Pavillons Noirs et désireux d'ouvrir une fois pour toutes la route du Tonkin, les Français entament l'expédition sous l'impulsion du chef du gouvernement de l'époque, Jules Ferry. Plus coûteuse et moins rapide que prévue, la campagne du Tonkin et notamment la perte de la ville de Lang Son, entraîne la chute de Jules Ferry le 30 mars 1885 attaqué par la droite monarchiste et l'extrême-gauche radicale, Clémenceau en tête. La guerre franco-chinoise prend fin avec la signature, le 9 juin 1885, du traité de T'ien-tsin : la Chine renonce à ses droits sur l'empire d'Annam. L'Indochine française est officiellement fondée deux ans plus tard.
En octobre et novembre 1885, le général de Négrier parcourait avec une forte colonne, le Bay-Say (rive gauche du fleuve Rouge), que l’agitation gagnait sous l’influence du chef rebelle Doc-Tich. D’autre part, le lieutenant-colonel Dugenne avec la compagnie montée et le 2e bataillon de la Légion, prenait pied dans le Yen-Thé par l’occupation de la citadelle de Tin-Dao et commençait à y percer des routes. Cette province, couverte de forêts, était habitée par une population pauvre, très pillarde et facilement excitable, et qui a toujours fourni de nombreux partisans aux rebelles et aux pirates. Enfin, en décembre, le commandant Servière, qui dès le 1er mai, avait réoccupé avec le bataillon d’Afrique, Dong Song et Than-Moï, quittait ces postes et allait s’établir à Lang-Son, Dong-Dang et That-Khé, abandonnés cette fois par les troupes chinoises. A la même époque, nous commencions aussi l’occupation de la rivière Noire, que nous remontions jusqu’à Cho-Bo, où l’on installait un poste.
Mais l’évènement militaire important de cette campagne fut l’occupation définitive et complète de la vallée du fleuve Rouge jusqu’à la frontière chinoise. Cette occupation commença en novembre 1885 par les opérations contre Than-Maï, où s’étaient réfugiés, après les affaires de Hung-Hoa et de Tuyen-Quan, ce qui restait de nos ennemis, Pavillons Noirs, Chinois et Annamites. En octobre 1885, le général Brière de l’Isle était rentré en France et le général Jamont lui avait succédé. Le général Jamont, commandant le 1ere division, prit en personne la direction des opérations avec 6000 hommes et six batteries, divisés en trois colonnes. Les opérations d’investissement donnèrent lieu à deux petits engagements ; mais, quand les trois colonnes se portèrent à l’assaut des positions ennemies, elles les trouvèrent évacuées. L’occupation de Than-Quan en février 1886 par le général Jamont, celle enfin de Lao-Kay en mai par le colonel de Maussion achevèrent de nous donner le cours du fleuve Rouge. Ces opérations amenèrent aussi la disparition des Pavillons Noirs. Le peu qui en restait, désorganisé et découragé, repassa en Chine, où en récompense de leurs bons services, les Pavillons Noirs furent incorporés dans l’armée chinoise.
Cependant, les Français doivent encore faire face à l'insurrection des lettrés vietnamiens qui soutiennent le roi Ham Nghi en exil et refusent de reconnaître Dong Khanh, souverain fantoche. La lutte armée de leur mouvement, Cân Vuong, dure dix ans et s'achève avec la mort de l'un de ses plus grands chefs, Phan Dinh Phung, en décembre 1895. Quant aux Pavillons noirs, leur résistance prend fin avec la reddition du De Tham, leur chef en 1897. Le haut Tonkin passe alors sous la domination de la France.
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