Fragments de céramique avec décors à la molette de type Antiquité tardive (n° 2)
et mérovingien. (Cliché Paul Henry, 1984). La datation de ces tessons fixée entre
le Ve et le milieu du VIIe siècle par Messieurs Patrick Périn et Claude Lorren
est corroborée par les observations de Madame Françoise Labaune-Jean,
céramologue chargée d’études INRAP Grand-Ouest. Que tous soient ici remerciés.
Assemblage d’ardoises en lignolet croisé, vue zénithale.
Mire : 20 cm (Cliché Paul Henry, août 1984).
Au Moyen-Âge central (1000-1300) : une tour maîtresse ronde.
Au sud du logis Nord-Est, établi au-dessus du fossé T1, mais à l’est de la partie conservée de ce dernier fut construite une tour maîtresse d’inspiration philippienne, de plan circulaire : la tour Sud-Est, dite de « la chapelle ».
Sans doute faut-il mettre cette campagne de construction en relation avec les préoccupations de Philippe-Auguste et l’ascension de Geoffroy Ier Tournemine († v. 1222), sénéchal de Penthièvre en 1208, puis d'Olivier Tournemine († v. 1232) aidé par Pierre de Dreux dit Mauclerc. Ces données cadrent avec l’historiographie qui attribue à Olivier Tournemine la construction d’un premier château autour de 1220-1225 alors que le toponyme la Hunaudaes apparaît pour la première fois, sans mention explicite du château, en 1264, dans le testament de Geoffroi II Tournemine.
Transformation de la tour Philippienne.
La tour de la Hunaudaye répond aux principes architecturaux des tours philippiennes, qui allient défense et résidence. Elle était dotée à l’origine de cinq niveaux dont quatre à plancher de bois. Le sous-sol aveugle, peut-être doté d’un puits, était relié par des échelles aux niveaux 2 et 3. Une tourelle d’escalier circulaire contemporaine de l’édification de la tour, plaquée au nord, desservait les niveaux 4 et 5. L’unique accès à la tour se faisait, à l’origine, par une passerelle reliée à la porte du troisième niveau, seule ouvert ure donnant sur la cour.
Au bas Moyen Âge (1300-1500) : reconstruction, progrès de la défense.
Au début de la guerre de succession de Bretagne (1341-1368), la forteresse est en grande partie ruinée. La reconstruction s’adapte aux nouvelles tendances architecturales. Elle est probablement liée à l’érection de la Hunaudaye en châtellenie bannière en 1354. Les indemnités versées par Jeanne de Penthièvre († 1384) à Pierre II Tournemine († 1381) permirent sans doute d’étoffer la place forte par la restauration de la tour Sud-Est dite « de la chapelle », la surélévation de la tour Sud-Ouest dite « tour noire », ainsi que la rénovation de la Grande Salle.
Transformation de la tour Philippienne.
Après la guerre de Succession de Bretagne qui provoqua de graves dommages au château, la seconde moitié du XIVe siècle vit se développer la restauration progressive de celui-ci. Au cours de la restauration de la tour de « la chapelle », les sols des niveaux 4 et 5 furent établis sur des voûtes d’arêtes. Le niveau 4, noble, comportait latrine et cheminée à colonnettes engagées à décor de feuillages. L’ensemble était désormais desservi par une nouvelle tour d’escalier polygonale ouvrant au niveau de la cour. Cette phase est contemporaine de l’édification de la courtine est et du comblement du fossé (T1) qui séparait la tour philippienne du reste de la forteresse.
Nouvelles fortifications, nouveaux logis.
Une transition architecturale : la tour sud-ouest dite « tour noire ». Au même moment, furent construites la tour cylindrique sud-ouest (tour noire) et la « Grande Salle » limitée par la cour et la courtine ouest. Cette tour au talus peu marqué, de plan intérieur carré, est apparentée à quelques tours bretonnes postérieures à la guerre de succession telles que Cuguen (la Roche-Montbourcher), v. 1360-70 (?), Combourg (tours sud), Blain, château de la Groulais (tour des Prisons) 1385, par exemple. Avec ses deux premiers niveaux en moellons équarris subsistant d’un premier état, les trois niveaux supérieurs de pierre de taille en appareil très soigné et ses ouvertures de tir, au sud, réparties entre le premier et le second état, la tour « noire » constitue la transition entre la tour « de la Chapelle » et les trois grosses tours à espace intérieur polygonal décrites ci-dessous. On observe sur la face nord rectiligne de cette tour, en relation avec les deux états de celle-ci, les traces d’ancrage des deux toitures successives de la « Grande Salle » adossée à la courtine Ouest.
Vers la fin d’un monde.
Les subsides résultant de la fidélité des Tournemine aux ducs de Bretagne (la Hunaudaye fut érigée en baronnie en 1487) puis au parti français contribuèrent largement aux ambitieux programmes de construction, englobant les trois grosses tours, qui s’échelonnèrent au sud, à l’ouest et au nord du château de la fin du XIVe au milieu du XVIIe siècle.
Dans le dernier tiers du XIVe et au XVe siècle, le château de la Hunaudaye, comme ses semblables, voit augmenter la taille et le diamètre de ses tours facilitant ainsi leurs fonctions résidentielles. En même temps, le développement rapide de l’artillerie accroît sensiblement la vulnérabilité des tours et courtines, notamment de leurs parties hautes.
Ainsi, paradoxalement, l’intérêt que présentent les améliorations de la fonction résidentielle des châteaux est contrebalancé voire annulé par la menace que représente l’artillerie à poudre. Dès lors certaines forteresses ont fait place à des résidences à pseudo-défenses (larges fossés, plan régulier, tours d’angle, canonnières) plus agréables à vivre qui annoncent la Renaissance tandis que les murailles et tours destinées à affronter ce nouvel armement voyaient diminuer leur hauteur (Guingamp, peu après 1446) et augmenter leur épaisseur ainsi que la largeur de leurs fossés et glacis, préparant la voie aux ouvrages militaires de Vauban.
La fin d’un monde : les trois grosses tours.
Au centre de la cour (ZR), une épaisse couche d’argile rubéfiée correspondant à l’emplacement d’un foyer (de forge ?) a été datée, par archéomagnétisme, de 1435. Cette date pourrait indiquer le début de la construction des trois grosses tours. Celles-ci, à espace intérieur polygonal, sont toutes dotées d’ouvertures à coussièges et de canonnières en allège, c’est-à-dire dans la partie amincie du mur sous les fenêtres. Il s’agit des tours : Sud, dite « militaire », commandant l’accès au château ; Nord-Est, dite « donjon seigneurial », dotée de cheminées d’apparat aux niveaux 3 et 4 ; et Nord-Ouest, dite de « la glacière », dont le niveau inférieur aveugle devait contenir un dispositif à double paroi de bois, garni de paille, destiné à conserver la glace.
À l’époque moderne (fin XVe siècle à fin XVIIIe siècle) : résidence, modernisation puis désintérêt.
Parmi les ultimes travaux, on note l’établissement, entre la tour Nord-Est et le Logis Nord, de deux niveaux de carreaux de terre cuite posés sur quenouilles à manchon de torchis. Le niveau inférieur de ceux-ci a fourni une datation radiocarbone aux alentours de 1560.
Dans l’angle nord-ouest de la cour, l’escalier extérieur desservant les logis ouest, daté de la Seconde Renaissance française (1540-1589), fut vraisemblablement édifié dans la seconde moitié du XVIe siècle à l’initiative de Claude d’Annebault (époux de la dernière héritière en ligne directe du château et de la seigneurie de la Hunaudaye) ou des Tournemine de la Guerche, René Ier puis René II, possesseurs du château, de 1572 à 1609. Tout au long du XVIIIe siècle, le château, inhabité par ses propriétaires ne semble plus être au centre de leurs préoccupations.
De l’incendie révolutionnaire à la mise en valeur contemporaine.
Au moment de la Révolution française, le château semblait protégé par la personnalité de son propriétaire, M. de Talhouët de Boishorand, élu maire républicain de Rennes en 1790, mais pour des raisons aussi symboliques que stratégiques, la forteresse fut attaquée par des révolutionnaires de Lamballe et Moncontour en octobre 1793 puis incendiée le 8 novembre de la même année. Après l’indemnisation de son propriétaire (4 000 francs en assignats) le château fut exploité, tout au long du XIXe siècle et au début du XXe, comme carrière au profit des constructions des environs et du manoir du « Châtaigner » tout proche, propriété de l’arrière-petit-fils de M. de Talhouët.
La forteresse subsistante, classée Monument historique par décret du 18 février 1922 fut achetée par l’État le 26 décembre 1930. Ouvert au public et mis en valeur par l’Association du Château de la Hunaudaye depuis 1977, le monument, acquis par le Conseil général des Côtes-d’Armor, est maintenant animé par une équipe professionnelle de gestion touristique et d’animation pédagogique.
Paul Henry, novembre 2016 (In : Bretagne Culture Diversité)